Voici le texte de prose lu par mon amie Colette, évoquant l'atelier. Merci encore à elle pour sa gentillesse, et l'émotion venue des mots lus par elle:
Dans le ventre le l'atelier: le tas
Dans les tiroirs, sur les meubles ou à même le sol de mon atelier s’accumulent des objets qui posés successivement sur un même
espace plan prennent l’allure de stratifications, parfois dérangées par ma main nerveuse à la recherche de l’un d’entre eux, forcément, puisque sa présence est à priori légitime en ce lieu, de
par sa nature, son origine, sa fonction, que sais-je. On peut bien évidemment donner à cette structure le nom de tas.
Si l’ordre au sens communément admis du rangement n’est pas toujours de mise, la logique du temps et de ses superpositions est
là. Cette logique permet intuitivement et avec plus ou moins de bonheur de faire réapparaître consciemment un disparu dans le tout de la strate, alors qu’est évalué mentalement entre quoi et quoi
il a dû être mis en place ; alors qu’est visualisé le moment où il a été posé, celui où il a été recouvert. Bref, on peut y chercher et y trouver.
Mais souvent, le tas est le siège de nombre d’oublis, et le dernier repli avant rebut des non prioritaires.
Parfois, mon esprit vagabonde sans quête particulière et se plaît à redécouvrir le feuillet d’un texte personnel écrit
fugacement, celui d’un autre mis en page puis extirpé grossièrement d’un journal, d’une revue ; un fragment de matière ou une image ; un objet qui avait encore beaucoup à dire. Autant d’éléments
qui avaient dû retenir mon attention mais sans avoir franchi les rives de la mémoire car au moment de leur émergence, mon attention était ailleurs. Autant d’éléments surgis, happés et ajoutés au
grand tout du tas. Lorsque la redécouverte impromptue survient, certains prennent alors tout leur sens car à ce moment précis, l’objet devient évidence. Il trouve enfin toute la latitude
nécessaire à son épanouissement, alors que sa présence dans le tas en était la tacite promesse. Il devient matière à idée, idée de matière dans ce lieu où se joue la création. D’autres retournent
sommeiller jusqu’à une nouvelle incursion. Parfois même, dans un élan de rage rangeuse, certains sont évincés du tas pour finir dans la poubelle rose pâle qui se tient tout près.
Ainsi naît le tas. Ainsi s’oxygène la strate où le temps qui passe perd sa prévalence dans l’instant de la découverte
merveilleuse.